[À lire _ pour réfléchir sur la notion de Vérité et la peine de mort]
De quoi parle ce roman ?
Imaginez-vous dans une salle d’audience bondée et suffocante pour le procès de l’indicible. L’air est chargé d’odeurs âcres, vous retenez votre respiration… et vous avez bien raison. Je vous emmène à cette audience, c’est parti.
LA PLAIDOIRIE
Dès la première page j’ai été happée par l’écriture vive et saccadée. Ce témoignage est écrit comme un plaidoyer, ponctué de virgules qui marquent des temps de pauses, telles les respirations du discours d’un avocat. On inspire, on lit d’un souffle, on expire.
LES FAITS
Au coeur de l’histoire il y a un homme condamné à mort. Sexuellement attiré par les enfants, il a avoué le meurtre d’un garçon de 6 ans et reconnaît en avoir déjà violé d’autres. Doit-il mourir ? L’auteure démontre que si l’on commence l’histoire à la date du meurtre alors oui on sera tenté de vouloir sa mort. Mais si on la commence bien avant la naissance de cet homme : qu’on remonte aux conditions dans lesquelles il a été conçu, l’environnement instable dans lequel il a été élevé ; alors notre regard ne sera pas le même. Ça n’excusera pas ses actes, mais ça les rendra interprétables. Et surtout, ça lui redonnera son humanité.
QUESTIONNEMENTS
La vérité absolue existe-t-elle dans un procès ? L’auteure propose une réflexion très intéressante. Au fil de sa démonstration, elle arrive à nous faire douter de nos convictions et à réviser notre jugement. Elle nous prouve ainsi que le droit n’est qu’une façon de raconter l’histoire. C’est une question de perception des faits. La vérité, au sens juridique, dépend du quand. À quel moment on décide de faire débuter l’enchaînement des évènements.
Mon avis sur ce livre
JUGEMENT
J’ai adoré ce livre pour la qualité de l’écriture. Les mots sont jetés sur le papier, on y sent toute la colère de l’auteur mais aussi la lumière qu’elle a trouvé au bout de son chemin de réflexion. C’est incontestablement un livre qui dérange mais qui fait réfléchir. Autre point fort de ce livre : le questionnement qu’il pose. Tout doucement l’auteure nous entraine dans son propre cheminement et nous invite à changer notre regard sur ce que l’on pense être La Vérité.
Seule ombre au tableau : les nombreuses redites dans la dernière partie (le procès). Les faits nous sont re-re-re exposés à nouveau. Dommage. Ça dessert la puissance du reste du livre. Alors que j’adorais l’écriture depuis la première phrase, ces redondances m’ont agacée sur la fin.
Pourquoi le lire ?
- À lire si vous aimez le droit, les analyses de fond, les histoires vraies, les écritures inspirantes, la musicalité d’une plaidoirie.
- Si vous n’avez pas peur de mettre les pieds dans un livre qui va vous bousculer un peu.
- Si vous êtes prêt à plonger dans un livre autobiographique qui se lit comme un polar. Vous aurez tendance à oublier que ce récit est d’abord le vécu de l’auteure. Alexandria Marzano-Lesnevich est professeur de littérature et cela se ressent.
A éviter si…
- Vous n’avez pas envie de vous prendre la tête ni de réfléchir en ce moment.
À propos du livre
470 pages | Paru en 2019 | Éditions Sonatine
Grand Prix des Lectrices Elle 2019 (Document)
Paru initialement en anglais en 2017 | Titre : The fact of a body: A Murder and a Memoir
Il me fait très envie celui-ci depuis sa sortie ! J’aime particulièrement, dans mes lectures, me placer de l’autre côté, dans la peau de la personne que l’on veut voir incarner le mal. C’est dérangeant, mais c’est justement ce qui fait pousser a la réflexion. Dans le genre, j’ai le roman La Tanche a te soumettre (Inge Schilperoord). C’est une mise en scène très différente, on est pas sur un aspect documentaire qui pousse a la réflexion de façon direct. C’est un roman, ou le personnage principal est un pédophile. Un de mes romans « préférés » si je puis dire !
PS : ce système de vote.. c’est du génie ! J’adore !