[À lire _ pour se plonger dans une analyse passionnante d’Harry Potter]
De quoi parle ce roman ?
De philo et Harry Potter. Jusque là je pense que c’était clair, mais encore ? Marianne Chaillan, professeur de philosophie, a réussi à allier ces deux univers qui semblent n’avoir rien en commun au premier abord. Et pourtant… Ce livre est tout simplement PASSIONNANT. Il est truffé de réflexions très justes et je pense qu’il a toute sa place dans la rubrique « développement personnel » car l’on peut s’approprier pas mal de concepts philosophiques ainsi que des leçons de vie véhiculées à travers le vécu du célèbre sorcier de J.K.Rowling.
Eh oui messieurs dames, vous allez voir que philo et Poudlard peuvent se rencontrer avec brio !
1/ Savoir didactique vs. dialectique (Platon)
Mise en pratique : Cours de défense contre les forces du mal
On y apprend la différence que fait Platon entre le fait d’apprendre d’un autre (le savoir didactique) et le fait d’apprendre soi-même (dialectique).
C’est un savoir didactique lorsque le professeur Ombrage enseigne la Défense contre les forces du mal sans utilisation de la baguette magique. Elle ne fait que demander aux élèves de recopier des lignes de leur livre. Ce faisant, elle ne fait que transmettre un savoir extérieur à l’élève sans lui permettre de s’approprier la leçon par l’expérience.
Par opposition, Lupin qui demande à chaque élève de puiser en lui-même la force d’affronter l’épouvantard, donne les clés d’un apprentissage par soi-même et donc d’un enseignement de type dialectique.
Mise en pratique : La Pensine
La Pensine revêt une autre forme d’apprentissage dialectique où Harry est exposé à des scènes du passé qu’il ne comprend pas et que Dumbledore ne lui explique pas. Pourquoi ? Car c’est à Harry de déchiffrer le sens et de trouver les clés de lecture pour décoder le message qu’il peut en retirer. Une forme de « cheminement personnel dans le savoir » . L’auteur dit justement à ce propos :
Quand Dumbledore conserve des souvenirs […] tout se passe comme si l’expérience vécue avait donné au directeur de Poudlard un savoir virtuel, présent en lui mais non complètement possédé – savoir qui ne pourra s’actualiser, se découvrir qu’à travers la plongée dans la Pensine, c’est-à-dire en lui-même.
Cela rejoint la pensée platonicienne : « Tout savoir est un ressouvenir » et « Savoir c’est sortir de l’oubli ».
2/ Stoïcisme
Mise en pratique : La potion de Felix Felicis
Pour les Stoïciens, nos craintes viennent d’une mauvaise interprétation de la réalité. Ce sont en fait des constructions négatives de notre esprit qui se transforment en angoisses parce qu’on les a mal interprétées dès le départ. Elles deviennent alors nos croyances limitantes.
Pour comprendre, il faut décortiquer la façon dont se forme un jugement (en 3 étapes). L’auteur prend l’exemple de l’orage pour démontrer comment un phénomène naturel peut être vécu comme une source de terreur :
- d’abord la perception d’un fait (ex: j’entends le bruit du tonnerre),
- puis vient le discours intérieur que l’on porte dessus (ce bruit est inquiétant),
- et enfin vient la validation que l’on donne ou non à cette interprétation (l’orage me terrifie ou bien c’est un phénomène naturel et normal donc je n’ai pas peur).
Revenons à Poudlard, quand Harry fait croire à Ron qu’il a versé la potion qui rend chanceux dans son verre, cela change la perception de Ron. Il arrive au match ultra confiant, alors qu’il doutait de ses capacités l’instant d’avant. Cela nous montre la puissance des représentations créées par notre esprit.
3/ Déterminisme vs. Existentialisme
Mise en pratique : Le Choixpeau magique
Pour Sartre, l’homme se définit à travers ses actions. Ce sont nos choix qui nous définissent et non pas des facteurs extérieurs. Quand Harry dit qu’il ne veut pas aller à Serpentard, ça a une incidence sur le cours des choses puisque le Choixpeau respecte sa décision et l’envoie à Gryffondor. C’est donc Harry qui a fait ce choix.
4/ Philosophie de l’acceptation de la finitude
Mise en pratique : La vie d’Harry faite d’embûches
(J’ai déjà évoqué ce concept dans ma chronique sur Le Comte de Monte Cristo que je vous invite à aller lire par la suite)
Ici je vais donc paraphraser l’auteure qui le résume si bien :
Vivre ce n’est pas se mouvoir dans une réalité conforme à nos désirs, vivre c’est assumer le manque et la perte. Si ne plus s’attacher c’est ne plus souffrir c’est aussi ne plus vivre. Souffrir est le revers de la plus grande aventure qui soit : l’amour.
Harry Potter incarne ce long apprentissage du fait qu’il n’est de vie sans souffrance et que loin de vouloir annuler la souffrance, il faut l’accepter comme l’envers d’une joie qui fait la saveur de l’existence.
Lire Harry Potter c’est donc apprendre à accepter la perte et la souffrance qui sont des éléments nécessaires pour ressentir le pendant cette négativité dans toute son intensité : le bonheur et l’amour.
Pourquoi le lire ?
- Si vous ne vous souvenez que brièvement de vos cours de philo du lycée mais que vous n’êtes pas contre vous rafraîchir un peu la mémoire.
- Si vous voulez vous replonger quelques heures dans cet univers magique qui vous a marqué.
A éviter si…
- Vous êtes très terre à terre et que la philo et vous ça ne fait pas bon ménage du tout.
Pour aller plus loin
- Lire aussi mon analyse du Comte de Monte-Cristo
À propos du livre
280 pages | Paru en 2015 aux éditions Ellipses